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Comment concevez-vous la fenêtre?
Entre décembre 1930 et mars 1931, L’Architecture d’Aujourd’hui a interrogé plusieurs architectes français au sujet des fenêtres.
À un moment où la fenêtre verticale traditionnelle à double châssis était remise en question par de nombreuses typologies alternatives, la section « Comment concevez-vous la fenêtre ? » a invité Auguste Perret (no. 2), Henri Sauvage, André Lurçat, M. G. H. Pingusson, Raymond Fisher, Marcel Mauri (no. 3), Jean Ginsberg & Berthold Lubetkin et Charles Hannauer (no. 4) à exprimer leurs opinions et préférences. Assez étonnamment, Le Corbusier – à qui L’Architecture d’Aujourd’hui a consacré un numéro spécial en 1933 (no.10) – a été exclu de ce groupe.
Alors que beaucoup se concentraient sur les changements des fonctions essentielles de la fenêtre et comment les récents progrès techniques dans l’industrie de la construction ont radicalement élargi le rôle de la fenêtre, remettant en question sa définition, Auguste Perret soulignait les limites de la fenêtre horizontale et exprimait ses réserves quant à son utilisation dans les espaces domestiques (avec d’autres, bien que moins dogmatiquement), faisant écho à son célèbre débat avec Le Corbusier.
Pour Perret, une fenêtre devait toujours être un élément vertical, du sol au plafond, atteignant parfois toute la largeur d’un compartiment donné, comme dans son mur coulissant et pliant entièrement vitré dans une villa à Versailles en 1924, publié dans le numéro spécial de L’Architecture d’Aujourd’hui consacré à Perret (VII/1933, p. 36).
Auguste Perret« Certains ont paru croire que la conception de la fenêtre horizontale allant de mur à mur découle de la construction en béton armé.
Évidemment, cette disposition est facilitée par le béton armé, mais elle n’est pas d’aujourd’hui. Les maisons gothiques s’ouvraient souvent sur toute la largeur de leur façade et toutes nos usines ou ateliers s’éclairent généralement de cette manière. Mais si la baie horizontale avec haute allège et grande retombée s’explique parfaitement pour un local industriel (derrière l’allège se placent les établis, les tours, etc…, derrière la haute retombée les transmissions), il n’en est pas de même pour l’habitation; là, cette disposition appelle bien des réserves et ce n’est pas parce qu’on peut la construire plus facilement, grâce au béton armé, qu’il faut l’adopter. (…)
De plus, la fenêtre verticale n’encadre-t-elle pas l’homme? N’est-elle pas d’accord avec sa silhouette? Et si nous voulons pousser les choses, aller beaucoup plus loin, entrer dans le domaine de la psychologie, nous constaterons que la ligne horizontale est triste, c’est la ligne du sommeil et de la mort.. La verticale est la station debout. C’est la ligne de la vie. En résumé, pas d’hésitation, pour le logis, est seule rationnelle la fenêtre verticale allant du sol au plafond, sa largeur pouvant atteindre presque celle de la pièce (…) »